La rencontre de deux mondes : l’écoféminisme

PAR ROSE-MARIE BELL – DIRECTRICE

Dans mon article de novembre passé, je vous ai présenté un nouveau concept : la décroissance économique. Mon intérêt pour ce mouvement est né de ma conscience environnementale grandissante et m’a permis de découvrir nombreuses façons de faire permettant de diminuer (ou du moins, de modifier ma consommation) pour la rendre plus respectueuse de l’environnement. Lors de mes recherches, je suis tombée sur multiples concepts et idéaux. En voici un nouveau ayant piqué ma curiosité : l’écoféminisme.

Aux premiers abords, on devine qu’il s’agit d’un terme liant l’écologie au féminisme. C’est ce qui a vraiment éveillé mon intérêt. Comment est-ce que la condition féminine et l’égalité des genres se rattachent à la protection de l’environnement? Apparemment, plus souvent qu’on pourrait le penser.

Dans la plupart des articles que j’ai consultés, on souligne le dualisme comme étant l’élément au centre de ses deux problèmes sociétaux. En effet, on le retrouve, et dans la cause féminisme, et dans la cause environnementale : l’homme et la femme, l’humain et l’environnement, souvent même l’Homme et l’environnement. Dans plusieurs contextes, nos actions avantagent l’un ou l’autre. Nos idéaux sociétaux de force, de rationalité et de performance se rattachent à ce qu’on a établi comme masculin, dans beaucoup de cas, avantageant les hommes. Nous le savons, le privilège masculin est présent dans notre société. La cause féministe dénonce ce problème. On veut atteindre l’égalité dans toutes les sphères de la vie autant au travail qu’à la maison. Du côté des partisans de la cause environnementale, c’est plutôt l’anthropocentrisme qui est dénoncé. Dans notre société, on base nos décisions sur ce qui avantage l’humain et non la nature. Les besoins et désirs de l’humain, animal au même titre que tant d’autres, sont mis de l’avant dans la plupart de nos décisions.  Par ce dualisme, le féminisme et l’écologie se rencontre et défende une cause commune: l’égalité des entités composants notre monde.

« Make no mistake: women are indeed the ones most severely affected by climate change and natural disasters, but their vulnerability is not innate; rather it is a result of inequities produced through gendered social roles, discrimination, and poverty »

-Greta, Graad (2015)

Ce que les écoféministes prônent ce n’est rien de plus que le respect de la vision des femmes dans les décisions entourant la cause environnementale. Plusieurs arguments soutiennent cet objectif, le premier étant que les femmes sont les premières à être atteinte par la crise climatique. Elles travaillent 2/3 des heures totales mondiales travaillées, produisent la moitié de la nourriture au monde, et pourtant, elles ne gagnent que 10% des revenus mondiaux (CARE dans Graad, 2015). Cette situation précaire est souvent expliquée par l’absence de reconnaissance monétaire pour leur type de travail : être responsable de fournir les aliments et l’eau, être responsable de prendre soin des enfants et des personnes âgées, etc. Ces responsabilités sont aussi synonymes d’une plus grande sensibilité lors de manque de nourriture et de situations d’urgence. En effets, les femmes ont plus tendance à diminuer leur consommation d’aliments en situation de famine et à se sacrifier pour aider les enfants et les vieillards lors de catastrophe. Considérant les futures catastrophes et aléas climatiques prévus par les experts, conserver nos habitudes dommageables pour l’environnement pourrait avoir un impact sur la vie de nombreuses femmes. Ça me semble suffisant pour convaincre que la cause écoféministe ne sort pas de nulle part, sans mentionner le risque plus élevé pour les femmes d’agression sexuelle en période de crise…

Du côté plus vert de la médaille, les femmes aux États-Unis ont tendance à posséder des fermes à orientation plus durable, soit de plus petites fermes, plus diversifiée et à type de mise en marché multiples (Barbercheck, 2014). Sans faire de généralisation, les femmes contactées une étude de Abatemarco (2019) semblent avoir une vision plus intégrée de leur ferme. Elles font des compromis côté rentabilité pour mettre de l’avant le respect de l’environnement. Elles donnent beaucoup d’importance à la santé de leurs terres, mais aussi à l’accessibilité de leurs produits. C’est pourquoi elles évitent de monter leur prix pour permettre à un maximum de gens d’avoir accès à des produits frais et locaux. À travers tous ces défis, elles ont, toutes à leur manière, trouvé une façon d’inclure une place pour leurs enfants dans leur quotidien. La plupart d’entres elles misent beaucoup sur l’apprentissage terrain pour leurs jeunes. Elles espèrent leur apprendre à être des adultes autonomes et débrouillards. On observe ici un bel exemple d’une réussite de l’écoféminisme. De jeunes entrepreneures mettant au centre de leur travail la cause environnementale en limitant la dualité entre le rôle de mère, soit la responsabilité du soin des enfants et le rôle de leader autant pour l’entreprise que pour la cause environnementale.

Par leur position dans la société, les femmes à travers le monde ont souvent plus conscientes des impacts environnementaux de nos actions. D’après les écoféministes, elles devraient être invitées à faire partie de la discussion et de la prise de décisions. Ce serait par ce travail d’équipe qu’on pense pouvoir atteindre un monde où, n’y la femme, n’y l’environnement ne serait opprimé par l’Homme (avec un grand H). En limitant le dualisme entre ces entités, il serait possible d’atteindre la réelle égalité des genres et de finalement nous considérer comme faisant partie du tout, de notre écosystème, de notre monde.

Références:

Abatemarco T. Women’s sense of farming: ecofeminism in sustainable farming and local food in Vermont, U.S.A. Gender, Place & Culture. 2019;0(0):1-21. doi:10.1080/0966369X.2018.1555144

Annuk E. Feminism in the Post-Soviet space: the geopolitics of Estonian feminism. Gender, Place & Culture. 2019;0(0):1-22. doi:10.1080/0966369X.2018.1552925

Gaard G. Ecofeminism and climate change. Women’s Studies International Forum. 2015;49:20-33. doi:10.1016/j.wsif.2015.02.004

Schmonsky J. The Growing Importance of Ecofeminism. Voices for Biodiversity. https://voicesforbiodiversity.org/articles/the-growing-importance-of-ecofeminism. Accessed March 1, 2019.

What can we learn from Ecofeminism? | ActionAid. http://www.actionaid.org/2017/07/what-can-we-learn-ecofeminism. Accessed March 1, 2019.

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